Première règle : on parle pas de mon enfance. Jamais. Elle n’existe pas, ma vie a commencé quand j’avais 16 ans, point barre. Si tu viens à me demander de quelle façon j’ai grandi, ne t’étonne pas de recevoir mon point dans ta face. Mais si tu veux vraiment tout savoir… je suis né à Dublin, dans une famille normale. Une ville normale. Une maison normale. Trop de normalité, en fait. Et puis un jour, il y a eu ces cris… ces pleurs… j’étais enfermé dans la cave, c’est mon père qui m’y avait mis en m’ordonnant de ne pas bouger. Des connards de flics étaient venus perquisitionner la maison, mes parents avaient été suspectés de meurtre sur un voisin, et puisqu’ils ne voulaient pas collaborer – ils détestaient les flics plus que tout au monde – on les a tout de suite suspecté. Ma mère bouchait l’entrée, jusqu’à ce que mon père sorte un pistolet et ne les menace. Les flics ont paniqué, ils ont tiré sur ma mère, mon père a riposté, ils l’ont tué. Et moi j’étais là, assis dans cette putain de cave miteuse tandis qu’ils avaient descendu mes deux parents. On m’a placé dans un orphelinat, je frappais les filles qui venaient me voir, je frappais les mecs qui venaient me faire chier, je pleurais seul le soir dans mon lit. Je suis devenu obèse, je n’avais pas d’amis, je détestais l’Irlande toute entière pour m’avoir arraché mes parents alors que j’étais encore un môme. Un jour, j’me suis réveillé, j’ai suivi un régime de gonzesse, je travaillais d’arrache-pied pour me sculpter un corps de rêve. Un an après, Stanley Peterson quittait l’Irlande pour ne plus jamais y remettre les pieds. Avec l’aide de criminels en fuite, j’avais réussi à me créer une fausse identité. Stanyslaw Igor Belikoff, Stan pour faire court. Il était évident que je n’avais pas un seul diplôme, pas d’argent, rien. Alors, je restai avec quelques voyous qui m’hébergeaient gratuitement si je participais à leurs vols. J’avais connu pire. À 18 ans, mes amis se font prendre dans un vol, si bien que je me retrouverai de nouveau seul, avec toutefois quelques biens. J’enchaînai alors les petits boulots merdiques et sous-payés, juste assez pour me payer un appartement pas trop moisi à Khimki. Il y a bien, vous me direz. Je n’avais pas forcément de bonnes fréquentations, on me faisait découvrir les endroits les plus en vogue du coin, j’écoutais les conseils, je suivais comme un petit chien le temps de m’adapter. Je travaillais d’arrache-pied pour devenir parfaitement bilingue et j’avais ainsi appris à cultiver mon nouveau moi. Stan Belikoff. Ce nouveau moi ne connait pas que des joies. Ma plus belle découverte fut toutefois la roulette russe, ce jeu enivrant. J’ai, comme beaucoup de gens, commencé par le poker jusqu’à être lassé et en vouloir plus. J’ai vu des dizaines de mecs crever sous mes yeux, ce qui m’a aidé à me forger un mental de conquérant. Je veux juste profiter de la vie, des plaisirs qui me sont offerts. Ma seconde découverte, bien que plus tardif, c’était le BDSM. Une femme, très intrigante, m’avait aidé à prendre mon pieds… en tant que soumis, dans un premier temps. Je ne pensais pas être un mauvais soumis, toutes ces histoires m’amusaient et me mettaient dans un état second. J’étais heureux, comblé. Puis un jour, je me suis emporté, et pendant que j’étais attaché, je m’étais violemment détaché pour inverser les rôles. Ça lui avait pas plu du tout. Du coup, j’ai commencé à chercher plus dans cette direction-là. J’ai enchaîné les coups d’un soir, les soumises d’un soir plutôt. Un jour, c’est un homme que j’ai essayé de soumettre, mais sans vrai succès je dois l’avouer. Il m’a dominé par la suite et… j’ai ressenti quelque chose de beaucoup plus intense qu’avec mon initiatrice. Alors, j’ai compris ce qu’il se passait dans ma tête. C’était pas trop compliqué, en fait. J’avais besoin de contrôler les femmes, de déverser ma haine sur elle librement, de me sentir homme, puissant. Mais j’avais besoin de reprendre pied sur terre et de laisser un homme me montrer que moi aussi, j’peux être soumis. Ce n’est qu’un jeu, finalement, et ces réflexions m’ont aidé à davantage apprécier la soumission des femmes. À présent je switch comme on dit, un coup dominant un coup soumis. En attendant de crever d’une balle dans la tête.