Il n'était pas rare que Moscou accueille un climat pareil. Assis dans un des fauteuils du salon de ma demeure, je voyais la neige glisser le long de la vitre, s’épandre en larmes de givre contre la paroi de verre. Des gouttes d'eau fraîche traçaient leur chemin sinueux, lentement, sûrement, vers le bas, appelées par la gravité, inexorablement. C'était phénomène assez beau, et de si fascinant que j'avais passé l'après-midi à l'observer. Le froid ne s'insinuait pourtant pas par les interstices calfeutrés des fenêtres, et pourtant, je tremblais. J'étais gelé. J'en étais à ma troisième cigarette de l'heure, et j'avais toujours aussi froid. Même le verre de vin chaud, à moitié vide près de moi, ne parvenait à rien. Toutes n'étaient que d'incapables consolations, alors que les caprices de Dame Nature s'affairaient à me rendre fou.
Les jours de glaces m'empêchaient d'être heureux. Ils me rappelaient bien trop de choses.  

J'y pensais malgré moi, à ces choses. Depuis des jours, d'ailleurs. J'étais alangui entre mes draps, seul, incapable de dormir, le froid me prenant à la gorge comme un loup attrape un lapereau de passage. Et même si je partageais mon temps avec un oiseau de passage au sein de mon lit, ça ne changeait rien. Mes nuits étaient agitées, certes. Mais agitées de cauchemars quasi-quotidiens. Ces images n'avaient d'énervant que leur violence répétée, exacerbée par le filtre de l'enfance, à laquelle je m'étais habituée depuis un long moment. Non, vraiment, ce n'était pas le plus dérangeant. J'étais juste proie à une insomnie passagère. Quelque chose d'autre me préoccupait. Bientôt, la vérité me frappa, bien rapidement, trop rapidement peut-être. Comme une sentence, comme un couperet.

L'ennui.
Je m'ennuyais, et c'était un syndrome nouveau que j'attribuais aux soirées d'Hiver. Le monde de l'ombre était bien trop calme ces derniers temps. Mes contrats étaient tous honorés, respectés. Mes hommes se tenaient droits et fidèles. Mes trafics fluctuaient à leurs rythmes, satisfaisants. Et mes jours, qui se raccourcissaient, me semblaient malgré tout bien longs.
Je n'avais envie de rien faire. Rien, vraiment. Je voulais juste rester seul, à suivre la route des gouttes contre la fenêtre. Si j'étais encore un enfant – et Dieu seul sait que j'aurais donné beaucoup de choses pour connaître cette sensation d'innocence – je me serais sans doute amusé à dessiner sur la vitre. Des formes, purs produits de mon imagination, dont je serais le seul à comprendre la symbolique, et même, peut-être, à m'en réjouir.
Mais je n'étais pas un enfant. Je ne l'ai jamais vraiment été, en réalité. Mais aujourd'hui, et ce depuis que cette vague de froid avait paralysé mon esprit, je rêvais d'en être un. De huit ans, de préférence. L'âge où l'on comprend sans chercher à savoir, l'âge auquel les claques ne font pas si mal si le soleil est haut.

Je voyais la neige glisser le long de la vitre, s’épandre en larmes de givre contre la paroi de verre.
Et j'attendais.

Un signe arriva bien vite alors que, dans un soupire, je laissais mourir ma compagne fumante au coin de ma bouche avant de porter ce qu'il restait de vin chaud à mes lèvres.

Piotr fait alors irruption dans le salon. Il a toujours cet air grave, constamment inquiet, qui fronce son visage et creuse davantage ses rides prématurées. Son crâne chauve luit autant à la lumière qu'une pierre taillée, poncée, au bout d'un harpon, et la sueur froide brille sur ses tempes. Ses cernes parlent pour lui. Mon garde du corps du jour me semble bien épuisé...

« Monsieur. Une jeune fille vient de se présenter, elle vous demande. Mademoiselle... Markov, Malika Markov. »

Entendant le nom, j'émerge un peu. Le tabac me semble âpre, d'un seul coup, comme un frein. Le vin n'a pas le même goût. Malika Markov. Je la connaissais. Je me souvenais de ce prénom, aux sonorités si proches de celui de ma nièce. Et bien vite l'image de cette fille – Non, une femme. Elle avait, bien que jeune, quelques autres atouts. - me revint en mémoire. Je l'avais abordée sous mon nom d'artiste, attiré, je ne sais plus où, je ne sais plus quand, mais je l'avais fais. Son corps, pour d'autres raisons que celles me caractérisant, m'avait harponné, faisant vibrer ma fibre artistiques. Ses tatouages. J'avais un faible, je me devais de l'avouer, pour ces peintures rupestres que l'on pouvait s'infliger, à vie. Cela avait quelque chose de solennel. De sincère, jusqu'à la Mort. Le mien, unique, brûlait parfois la peau de mon torse, provoquant cette sensation grisante, toute particulière.
Je me demandais si Malika ressentait cela aussi. C'est ainsi qu'après quelques approches presque timides, elle accepta de poser. De me les montrer, et que je puisse les immortaliser.
Je me sentis presque coupable d'avoir oublié que sa venue se trouvait être aujourd'hui.

Je gratifie Piotr d'un hochement de tête et d'un geste de la main lui faisant comprendre en silence qu'elle était loin d'être une menace et qu'elle pouvait entrer. Je me lève, machinalement, rassemblant un peu de force et tuant ma cigarette une bonne fois pour toutes au sein du cendrier qui lui fait office de cercueil.
Et j'attends.
Depuis toujours, je n'ai jamais cessé d'attendre.
Quelque chose, peut-être, qui ferait fondre la glace.

Lentement, ses mains caressaient chacune de ses chevilles jusqu'à remonter en délicatesse le long de cette peau diaphane, posant le bout de ses ongles contre la peau de sa cuisse alors que demoiselle enfilait des pantalons moulant. Elle adorait porter ces genres de vêtements. Un t-shirt plutôt libre, laissant voir quelques formes désirables vers son buste. Elle avait envie de sentir les regards sur elle, de frissonner sous les désirs que seuls les plus grands regards pouvaient donner. Elle adorait cette sensation. Son corps intimidait beaucoup de gens et en fascinaient plusieurs autres. La tatoueuse était reconnue dans la ville de Moscou pour ses magnifiques tatouages. Elle n'avait jamais manqué ses oeuvres jusqu'à aujourd'hui depuis qu'elle était dans cette magnifique et richissime ville russe. Ses longs cheveux noirs étaient bien lissés, légèrement bouclés. Malika était une magnifique jeune femme qui faisait rougir plus d'un homme, faisant s'écouler l'écume de la bave le long de leurs lèvres désireuses. Pourtant, elle ne s'abandonnait pas à n'importe qui. La jeune femme prit ses clefs, sa bourse et quittait maintenant son chalet privé. Malika déambula rapidement dans son stationnement et embarqua derrière le volant de sa voiture sport. Elle avait bien assez d'argent pour se permettre de telles choses. Son père était un vendeur de drogues tellement réputé en Italie que sa fortune était colossale. Nul besoin de dire qu'elle lui en a prit une bonne part. Son père ne s'était jamais bien occupé d'elle et elle avait décidé de vivre seule rapidement. De vivre ses propres aventures et de sentir libre. Avoir les mains menottées pour ce qui était du fil de sa vie, ce n'était pas son truc. Elle aimait pouvoir prendre ses propres décisions, se sentir libre comme l'air. Pas d'obligation. C'était pour cela que la jeune femme n'était pas en couple. L'engagement n'était pas spécialement fait pour elle. Démarrant en trompe, la belle fit crisser ses pneus sur le sol gelé avant de rouler. Elle se fichait des autorités. Ils venaient si rarement dans son coin qu'il était presque impossible qu'elle puisse se faire prendre à faire de la vitesse dans cet endroit. Le chalet de la tatoueuse était tout simplement splendide et relaxant. Il était aussi fait sur mesure pour les sportifs. De magnifiques pistes de ski, de snowboard et plus enore. Elle détestait le froid mais elle aimait la neige. C'était un bien pour un mal. S

es yeux noisette se flanquèrent littéralement dans une piétonne qui venait d'essayer de traverser alors que sa lumière venait de tomber verte. Malika ne se gêna pas pour appuyer fermement sur le volant et fit claxonner son merveilleux claxon. La femme qui traversait lui fit un doigt d'honneur, ce qui fit éclater de rire la jeune femme. Elle fit un mouvement dérisoire de la main en sa direction avant de continuer à rouler. Elle aimait s'adonner à quelques plaisirs en dehors du sexe. Se faire des amis était plutôt rare pou Malila puisqu'elle se fichait plutôt des avis des autres sur sa propre personne. Elle n'avait pas peur de recevoir des coups ni même d'en donner. C'était le genre de personne à s'attirer des ennuis, mais aussi à les chercher. La tatoueuse aimait provoquer les autres quand elle s'ennuyait et c'était exactement ce qui venait de se passer. Toutefois, elle n'était pas idiote au point de se foutre dans une situation de merde où sa vie serait en danger. Elle savait où elle devait arrêter les choses. La belle avait rendez-vous avez un artiste, un peintre de renom. Un homme froid et mystérieux qui lui faisait hérisser les cheveux sur la tête. Cette douce sensation d'un frisson à la fois glacé et si flamboyant à l'intérieur de ses veines. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir quelque chose en sa présence. Son charisme était impressionnant malgré la froideur qu'il dégageait.

Malika s'arrêta dans l'entrée du manoir. Cette demeure ressemblait davantage à un chateau plutôt qu'une maison. Elle arrêta le moteur et sortie de sa voiture. La tatoueuse marcha calmement en direction de la porte d'entrée où un homme lui répondit. Lentement, il la conduisit gentiment dans une autre pièce où il lui demanda d'attendre. Puis, lorsque l'artiste avait été avertis de son arrivée, la jeune femme avait été invitée à pénétrer dans la pièce. Elle enleva doucement ses ses gants en cuir d'un noir d'ébène, elle déboutonna calmement son manteau d'hiver d'un rouge écarlate. '' Comment allez-vous en cette journée si froide? '' Les yeux noisettes de la jeune femme s'étaient incrustés dans le regard de l'homme. Elle ignorait qui il était vraiment, ce qu'il faisait en dehors de toutes ses peintures. Elle avait commencé par des politesses de base. Ilyas était beaucoup plus riche qu'elle, plus puissant et surtout il était un homme. Malika avait plus qu'une raison d'offrir ses politesses. Le vouvoiement était un acte respectueux de base. Tant et aussi longtemps qu'Ilyas ne rompait pas ce genre de language, elle allait l'adopter.

HRP: