If you like your women sweet, ah, consider me your wine ~

« Acte I : The life before her eyes. »

Comment en était-elle arrivée là, au fond de cette ruelle, cet homme cruel dressé devant elle avec son sourire malsain. Tout avait bien commencé, pourtant.
C'était la fin du lycée, la soirée d'adieu, le cliché américain par excellence : le bal de promo. Calliope, comme nombre de ses amies, n'avait pas échappé à la règle : elle avait prévu la soirée pendant des semaines, avait choisi la robe parfaite. Et son copain de l'époque lui avait demandé de l'accompagner en toute chevalerie, avec des roses et une boite de chocolats. Elle était à cet instant la plus comblée des adolescentes. Une limousine était venue les chercher, elle et ses amis, son cher frère, et ils avaient mis le cap sur la soirée.
Et même là-bas, tout c'était bien passé. Le bal, les slow, le punch sans alcool. Elle avait même réussi à s'éclipser un instant, malgré le regard désapprobateur du jumeau, avec son copain, pour aller se tripoter timidement derrière le gymnase. Et c'était là que ça avait commencé à déraper. Venu de nulle part, un homme, qu’on aurait cru ivre, frappa avec violence l'adolescent, le laissant inconscient sur le sol. En l'espace d'un instant, la jeune fille fut saisie et fourrée dans le coffre d'une voiture avant même qu'elle n'eût l'occasion de crier. Elle se débattit un instant, criant de tous ses poumons, avant de se rendre compte que toute façon ça ne servait à rien. La voiture roulait, et si au début elle avait été capable d'entendre du trafic, elle s'était vite aperçue qu'il n'y avait plus de bruit aux alentours. Et là, elle commença véritablement à paniquer.

Elle avait perdu la notion du temps, et avait l'impression qu'elle avait passé des heures dans ce coffre. Elle avait froid, ses muscles lui faisaient mal, et elle se débattait tant bien que mal pour trouver une position plus confortable. Mais le coffre était rempli à moitié, par des choses qu'elle n'arrivait pas à identifier. Et alors qu'elle n'avait plus d'espoir, et qu'elle pensait mourir de froid, la porte s'ouvrit soudainement, et si un soupir de soulagement lui échappa, elle comprit que son calvaire ne venait que de commencer. L'homme se tenait au-dessus d'elle, et le faible éclairage ne pouvait lui permettre de distinguer ses traits. Mais s'il y avait bien une chose qu'elle remarqua, c'était son sourire. Ce sourire malsain qu'elle n'oublierait plus. Avec tout autant de violence, il agrippa son bras et la tira hors de la voiture, la jetant au sol. Hoquetant de terreur, la jeune fille chercha à ramper sur le sol, observant à peine là où elle était. C'était une ruelle, et elle en voyait le bout ; c'était tout ce qui lui fallait. Mais plus rapidement qu'il n'en faut pour le dire, elle sentit une prise sur ses cheveux, et même si elle chercha instantanément à se débattre, elle fut traînée contre un mur et jetée contre lui. Alors, éclairé par un unique lampadaire, elle pouvait le voir.

Il n'était en rien comme elle l'avait imaginé. Elle qui l'avait pensé hirsute, rustre, elle fut surprise de le découvrir séduisant. Certainement le genre d'homme qu'elle se serait retournée pour continuer à voir dans la rue. Mais là, elle n'avait nullement envie de le voir. Et alors qu'elle allait crier, à nouveau, il se jeta sur elle, et plaqua violemment sa main contre sa bouche pour la faire taire. Il sortit un cutter et le glissa avec lenteur sur sa joue, alors qu'il lui murmurait à l'oreille, d'un ton mielleux qui lui donnait envie de mourir, qu'il ne lui ferait de mal que si elle cherchait à se défendre. Alors, même si toutes les particules de son être lui criait de se débattre, elle sembla se calmer un peu au contact de la lame contre sa peau. Semblant satisfait, il retira sa main de sa bouche, et utilisant son arme, découpa avec dextérité la robe qu'elle portait, la laissant tomber en lambeaux à côté d'elle. Et elle ne réagissait plus, bien trop consciente de ce qui allait se passer ensuite. Seules des larmes silencieuses qui agitaient parfois ses épaules de sanglots indiquaient qu'elle était toujours présente. Il chercha à lui écarter les cuisses et elle lutta un instant, avant de se laisser faire à nouveau en voyant le métal briller sous sa main. Fermant les yeux, elle tourna la tête sur le côté, alors que, nauséeuse, elle le sentit s'imposer en elle et forcer tout ce qui faisait d'elle une jeune fille.

Elle ne sut pendant combien de temps il la souilla, elle n'entendait plus les obscénités qu'il lui murmurait à l'oreille. Elle n'avait qu'une peur, finalement, qu'il la tue quand il avait fini avec elle. Car même si elle se sentait profondément sale, elle ne voulait pas mourir. Elle n'avait même pas encore vécu. Elle mit quelques instants à se rendre compte qu'il n'était plus contre elle. Mais malgré la terreur qui l'habitait, elle s'osa à ouvrir les yeux. Et elle le vit, par terre, inconscient. Elle vit son visage ensanglanté et son nez qu'elle devinait cassé. Et au dessus de lui, Il était là. Son frère chéri, l’autre moitié de son âme. Il s’approcha lentement, et s’accroupit devant elle. Puis il chercha à essuyer les larmes sur ses joues, et finit par la prendre contre lui, frottant son dos avec délicatesse. Elle s'effondra en larmes, à nouveau, et s'accrocha désespérément à lui, incapable de dire un mot. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle ne voulait pas quitter ses bras. Jamais.

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« Acte II : Take my soul away »

A nouveau, c'était une ruelle. Mais il faisait jour, et elle n'était pas déserte. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, aucune raison de suspecter quelque chose. Les deux jeunes gens étaient sortis dans la matinée, profitant d'une belle journée de soleil pour parcourir Stockholm. Cela faisait plusieurs jours qu'ils étaient arrivés, en famille. Initialement, Calliope ne devait partir qu’avec son mari. Elle le suivait globalement partout, dans chacune de ses missions. Il était agent d’Interpol, et elle l’avait rencontré alors qu’il collaborait avec la CIA. Amoureuse, elle s’était retrouvée obligée de vivoter avec lui, le suivant partout où il devait aller. Mais elle n’arrivait jamais à rester bien loin de son frère, alors soit elle rentrait à Baltimore pour le voir de nouveau, soit elle l’emmenait avec eux. Son mari était d’ailleurs bien indulgent, mais il savait tout simplement ce qu’il représentait pour elle. Alors, là, elle l’avait emmené avec eux.
Alors que son mari travaillait, elle sortait se balader avec son frère. La nuit, surtout. Ils exploraient les bas-fonds de la ville, à la recherche d’un club ou d’un petit bar atypique. Et ils y restaient toute la nuit. Lorsqu’ils ne sortaient pas, ils restaient dans l’appartement et il l’écoutait jouer. Il l’avait toujours encouragée, lui répétant maintes fois qu’elle était douée. Et douée, elle l’était. Ses doigts étaient agiles, sa voix rauques et ses talents d’écriture développés. Elle excellait en chansons d’amour, elle savait si bien transmettre des émotions par sa musique. Il voulait qu’elle se produise, dans un piano bar, pour commencer. Il était sûr que sa musique pouvait plaire. Et fondamentalement, il n’avait pas tord.

Les rues étaient remplies d'allégresse, les couples se bécotaient à chaque de rue. L'innocence planait dans l'air. Ils furent surpris, lorsque le coup de feu retentit entre les maisons. Il y eut un instant de flottement, où les gens se regardèrent, ne sachant trop quoi penser. Puis ce fut un cri, puis un autre. Contre le mur, le corps sans vie de son frère, une balle entre les deux yeux. Les murs étaient éclaboussés, et Calliope aussi. Devant elle se tenait toujours le tueur. Il la regardait, de ses beaux yeux chocolat, et il avait l'air hésitant. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'il venait de se passer. Elle sentait le sang chaud couler le long de sa tempe, mais elle n'arrivait pas à détacher ses yeux des siens. Elle avait peur, et était clouée sur place. Mais elle ne pensait pas avoir peur de la mort. Elle avait peur de détourner les yeux et de le voir, son sauveur, l’autre moitié de son âme, son cher jumeau, inanimé contre le mur. Mort. Elle avait peur d'être seule à nouveau, vulnérable. Elle avait peur de ne plus pouvoir sentir ses bras protecteurs autour d'elle. Le meurtrier leva son arme et le posa sur le front de la jeune femme. Elle sentit son heure arriver et se dit que finalement, ce n'était peut-être pas le sort le plus désagréable. Au moins elle serait avec lui.

Elle cligna des yeux, et elle était seule. L'homme était parti. Elle fronça les sourcils sans comprendre, maintenant seule dans la ruelle. Alors, enfin, elle s'osa à détourner les yeux, et s'aperçut qu'elle tremblait. Elle fixa son frère, affalé contre le mur, comme un pantin désarticulé. Et lentement, elle se laissa aller contre lui, le prenant contre elle et le serra, désespérément, des larmes silencieuses roulant sur ses joues. Elle ne sentit pas le regard sur elle, le visage enterré dans le cou ensanglanté, berçant son corps inanimé. Elle ne vit pas le temps passer, et lorsqu'elle lâcha le cadavre, c'est parce que les policiers la forcèrent à se séparer de lui. Alors, tout sembla s'écrouler autour d'elle. Elle passa de nombreuses heures au commissariat, leur dit tout ce qu'elle savait, puis elle fut rejointe par son mari. Elle lui en voulait, de n’avoir pas été là pour les défendre. Elle lui en voulait tellement. Et il pouvait rien faire pour calmer sa femme.

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« Acte III : And there were none. »

Ses doigts couraient sur la peau d'ébène et les touches d'ivoires ; lentement. Dans la pénombre des lumières tamisées s'élevait la voix rauque d'une jeune femme, exprimant nombres d'émotions qui pouvaient chambouler plus d'un cœur. Elle ne regardait pas les gens, les yeux fermés pour mieux apprécier sa musique. Elle n'avait plus que ça, depuis que son très cher frère lui avait été enlevé. Elle avait voulu l’honorer, et elle jouait, trop peut-être. Elle se produisait. Son mari n’avait rien osé dire, il ne pouvait plus rien lui dire. Elle lui en voulait, terriblement, et elle se donnait le droit de faire ce qu’elle voulait. Elle continuait à le suivre dans ses voyages, malgré tout, et ainsi, commença à se forger une réputation dans toute l’Europe. Les gens venaient la voir, elle. Ils venaient l’écouter, charmés par son désespoir, peut-être. Il serait fier d’elle, elle le savait. Elle avait l’impression de le sentir, par-dessus son épaule, à chaque fois que ses doigts effleuraient des touches, et ça la fit sourire.

Le club était presque vide, maintenant, mais elle s'en fichait. Elle avait joué toute la nuit, mais rien ne pouvait l’arrêter. Pas même le regard de son mari, qu’elle sentait sur elle. Elle avait peur, peur d’arrêter. Elle avait peur qu’il vienne à elle. Cela faisait plusieurs jours, déjà, que cette froideur s’était installée entre eux. C’était déjà arrivé avant, mais alors la brune n’en avait pas fait cas. Elle prétendait le rejeter, ne pas avoir besoin de lui. C’était tout l’inverse. Même si elle le blâmait partiellement pour ce qui était arrivé, elle avait pu compter sur lui, sur son réconfort. Mais son chagrin avait obscurci son jugement, comme souvent, et elle avait bu de trop nombreux verres. Elle avait toujours eu une sexualité extrêmement développée, et son homme avait parfois du mal à suivre avec elle. De plus en plus, d’ailleurs. Alors elle était allée voir ailleurs. Elle avait besoin de ces moments arrachés, où elle se contentait d’un plaisir sec et sans émotions, offert si gentiment par un inconnu qu’elle ne reverrait jamais. Il avait dû s’en rendre compte, à force. Elle leva les yeux vers lui, et plongea son regard dans le sien. C’était bientôt la fin, elle le savait. Elle pouvait le lire dans ses orbes bleus.

Finalement, elle fit claquer ses mains une dernière fois sur le clavier et attrapa son verre de whisky, le vidant d'une traite. C'était le verre de trop, elle le savait, mais depuis qu'il l'avait quittée, elle n'avait plus été capable de s'arrêter. Elle enchaînait les verres jusqu'à tomber dans un état proche du coma, où elle se sentait libérée de tout, où elle oubliait, pour un instant, la sensation de son sang éclaboussant son visage. Prostrée sur le banc devant le piano, elle observait sans véritablement les voir les dernières personnes se lever et quitter la pièce. Et enfin, elle fut seule. Seule avec elle-même, seule avec son mari. Il ne connaissait que trop bien l’état dans lequel elle s’était plongée, il ne savait que trop à quel point elle en devenait violente. Elle ne l’avait jamais frappé, non, mais tout le mobilier de leur appartement de Stockholm y était passé. Il n’avait jamais compris pourquoi elle avait voulu garder un pied-à-terre là-bas. C’était chez lui, certes, alors ça ne l’embêtait pas, mais il ne pouvait que deviner les pensées morbides qui l’habitaient lorsqu’elle était chez eux. Ce qu’il ne savait pas, c’était qu’elle cherchait sans relâche l’assassin de son frère. Pour lui faire payer. Elle avait d’ailleurs fini par retrouver sa trace. Elle n'en revenait pas elle-même, mais elle comprit rapidement que dans le milieu dans lequel évoluait le meurtrier, tout était bon pour les faire chuter. Alors maintenant qu’elle savait qu’il était à Moscow, elle avait préparé sa sortie.

Elle avait peur que son mari l’abandonne, oui, mais il fallait qu’elle le fasse. Elle l’aimait, malgré tout le ressentiment qu’elle avait en le voyant, et elle ne voulait pas qu’il lui arrive quelque chose. Elle savait que l’homme qu’elle pourchassait été dangereux, et elle ne voulait pas perdre quelqu’un d’autre. Pas pour toujours, en tous les cas. Alors elle avait lentement tout fait pour qu’il la quitte, qu’il la divorce. Ca leur briserait le cœur, à tous les deux, elle le savait. Mais c’était trop tard. Il montait les marches vers la scène, et il resta à distance d’elle. Ca avait beau être ce qu’elle avait souhaité, ce qu’elle avait manigancé, elle était trop intoxiquée pour s’en rendre compte, pour cacher toute la haine qui l’envahit soudainement lorsqu’il déposa son alliance sur la queue du piano. Elle le regarda de ses yeux bleus, d’un bleu maintenant plus foncés qu’il ne les avait jamais vus. Il resta un instant ainsi, semblant en suspens, comme s’il attendait que quelque chose explose. Puis il tourna les talons, et sortit sans se retourner.

Elle était seule, totalement seule cette fois, et elle attrapa le verre devant elle, le jetant violemment contre le mur. Elle chercha à se lever, et trébucha, retombant lourdement par terre. La jeune brune se traîna difficilement jusqu'au mur où elle s'adossa, s'autorisant enfin à craquer, et elle ne résista pas aux larmes qui coulèrent le long de ses joues. Elle n’était plus que l’ombre d’elle, elle le savait, et la seule chose qui la faisait encore avancer, c’était son désir de vengeance. Elle était mue par la haine, et elle chercherait cet homme aux yeux si troublants, elle le chercherait et elle le tuerait. Elle se l’était promis. Elle lui avait promis.

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