D'un certaine façon, Flora est un produit de l’ère soviétique: "Prolétaires de tout les pays, unissez-vous". Ces parents ont peut-être pris trop à la lettre le slogan. C'est trop abstrait? Ok. Son père était un ingénieur cubain, sa mère une médecin russe. Mais que faisait donc sa mère à Cuba? Elle faisait partie d'un échange de coopération entre l’île de Castro et le grand frère soviétique. Et que se passe-t-il lorsqu'une jolie slave rencontre un bel hidalgo sur une plage des Caraïbes? Voilà, vous avez deviné.
Bien que née à La Havane, Flora n'a pas vraiment de souvenirs de Cuba, elle est rentrée en URSS avec sa mère en 1983, le papa prenant vraiment trop à cœur l'amitié entre les peuples, surtout avec les jolies blondes, si vous voyez ce que je veux dire.
Son enfance? Normale, pas malheureuse, mais pas non plus poney et piscine dans le jardin.
Son adolescence? Là, ça devient intéressant: à 16 ans, elle s'est enfuie de la maison pour devenir rock star. Enfin, c'est ce qu'elle espérait, mais soyons honnêtes, le public était moins là pour la musique que pour le show, si le fait de finir à moitié nue enlacée sur scène avec la bassiste du groupe constitue un show du moins. Au début, c’était génial: sex, drugs n'rockn'roll, sur la fin, c’était surtout drugs, et plus tellement le reste. Bref, elle est rentrée chez maman, enfin, dans l'hosto de maman,au service psy, histoire de décrocher.
C'est dans cet hôpital que qu'elle a rencontré celui qui allait devenir son mari: Ivan. Rassurez-vous, il était du bon coté de la seringue puisqu'il était aussi médecin, enfin, interne à l’époque. Elle avait 20 ans, il en avait 28.
Ce fut un mariage heureux, bien sur, Ivan travaillait tard certains soirs, bien sur il était de garde certains week-ends, bien sur, comme dans tout les couples, il y eu des engueulades mais dans l'ensemble, ça roulait. Ça roulait même trop vite, ce qui n'est pas une grande idée sur les routes verglacées de Mère Russie, Baba Yaga vous attend cachée derrière un arbre. Voilà comment on devient veuve à 30 ans, un banal accident de voiture.
Evidemment, passer de femme de médecin à veuve de médecin, à 70 ans, cela ne pose pas trop de problèmes financiers. A 30 ans, c'est autre chose. Finie la vie de femme entretenue, il faut s'entretenir sois-même. Et là, c'est une autre histoire, parce que "femme de médecin", ce n'est pas encore un diplôme reconnu. Certes, elle s'occupait du "secrétariat" de son mari, assurant l'accueil téléphonique, faisant un peu de classement, mais c'est tout. Et cela ne pèse pas bien lourd sur un CV. Heureusement, si vous vous rappelez bien, elle avait écumé les bars lors de sa jeunesse, elle activa donc ce que les spécialistes des agences pour l'emploi appellent "son réseau". La plupart avaient changé d'adresse, de n° de téléphone, ou étaient morts (car non, toxicomane n'est pas un hobby d'avenir) mais parmi ceux qui étaient vivants, l'un avait monté un club à la mode. Le genre de club où la jeunesse dorée venait encanailler, se prenant pour pour des bikers sous prétexte d'avoir une moto, un blouson en cuir et de boire de l'alcool de basse qualité (mais vendu au prix du Chivas 75ans). Voilà où elle travaillait depuis 2 ans. Au final, ce n’était pas si mal, elle commençait à avoir des responsabilités, gérant le staff de serveuses et le bar, la paye n’était pas mauvaise et ses cheveux rouges ne posaient aucun problèmes. Le seul hic, c'etait le manque de temps pour elle. Lorsque vos horaires de travail sont ceux où les gens sortent, ça n'est pas très pratique.