Just disappear

Thomas & Calliope

I care for you much, too much ~

C’était une chanson qu’elle avait écrite alors qu’elle était encore avec son mari. Il n’avait jamais compris. Il l’avait prise pour une autre histoire d’amour sans intérêt, pas qu’il eût cherché à comprendre d’ailleurs. Il se contentait d’écouter, quand elle chantait, et il trouvait ça beau parfois, mais il n’était pas le genre à se laisser aller à la mélancolie du moment. Alors elle, elle avait rapidement abandonné. Elle ne lui avait plus chanté pendant longtemps, même s’il venait de temps en temps la voir dans une représentation. Et puis il était parti, après une dernière chanson. Elle avait atteint son but. Elle ne comprenait pas pourquoi elle continuait de la chanter, but then again, elle aurait dû arrêter de chanter le trois quart de ses chansons. Il y avait comme un goût de reviens-y, de déjà-vu très agréable. Rassurant, même. Elle se laissait happer par les souvenirs et dérivait au rythme de la musique. Plus rien n’avait d’intérêt que la guitare et le son de sa voix, rendu rauque par des excès de cigarette et d’alcool.

Les yeux fermés et un faible sourire flottant sur ses lèvres, elle remuait légèrement la main au rythme de la guitare, tenant un verre de whisky. Elle buvait de temps en temps, entre deux phrases, isolée dans son propre monde. Parfois, elle ouvrait les yeux, et elle fixait le musicien en face d’elle, lui offrant un sourire qu’on ne voyait que rarement. Mais elle était fatiguée, et elle n’avait pas le courage de cacher ses émotions. Quel intérêt, de toute façon, elles transparaissaient dans sa voix. Quiconque était capable de faire attention un minimum pouvait s’apercevoir du regret, de la mélancolie, qui s’échappait de chaque intonation. Mais il n’y avait plus personne, à cette heure, et c’était très bien comme ça. Elle savait que le soleil se levait à l’horizon, mais elle s’en fichait. Elle continuerait jusqu’à tomber de sommeil, ou jusqu’à ce que les musiciens se lassent. Mais ils semblaient toujours en vouloir plus. C’était un moment de communion rare, un moment de paix au demeurant très appréciable.

Ils n’entendirent pas la porte s’ouvrir. Après tout, qui pouvait bien venir à cette heure ? Tout le monde était parti, des danseuses au barman, et il ne restait qu’elle et deux guitaristes. Alors qui ? De toute façon, personne ne remarqua le nouvel arrivant, trop absorbés dans leur musique. Le verre était vide depuis longtemps – et ce n’était pas le premier – mais étrangement elle n’était nullement en colère. Elle était même plutôt apaisée. Ca n’allait pas durer, bien sûr, mais tout le monde semblait s’accorder pour apprécier ce moment de paix. Ce fut le verre vide qui lui fit rouvrir définitivement les yeux, alors qu’elle tendait la main pour saisir la bouteille de Jack Daniel’s posée sur le piano. Elle s’en servit une rasade, et alors qu’elle s’apprêtait à reprendre sa chanson, son regard se figea sur l’intrus. Elle mit un moment à le reconnaître, le cerveau embué par l’alcool et l’esprit égaré. Mais lorsque les lignes furent connectées, le verre lui échappa et vint s’écraser au sol. Alors, elle sembla sortir de sa transe, sursautant, et se redressa soudainement, le regard de ses musiciens suivant le sien, et se fixant également sur l’intrus. Et elle cracha, laissant toute la haine qu’elle pouvait infiltrer chacun de ses mots.

« How is it that you can’t fucking understand I don’t fucking want to see you again ! »

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